20/03/2020 – Jour 4– Perspective

Je suis tellement triste, je trouve tellement pitoyable de voir mon pays vaincu par un manque de masques en papier ! Où sont ces stratèges libéraux adeptes du flux tendu et de la rentabilité, mettant sur le même plan l'approvisionnement de cacahuètes et de tout ce qui est vital, essentiel à un pays pour lui garantir sa souveraineté : nourriture, médicaments, matériel de santé, personnel médical, industrie de base etc... 
On le savait depuis cette convention européenne mettant les service public dans le panier des marchés. 
Quand j'ai voté « non », j'ai peut-être fait l'acte le plus visionnaire de ma pauvre vie. Car je ne suis pas très bon en prévisionnisme ou anticipation. 
Ce pays qui déploie ses milliards et ses milliardaires mais n'est pas capable de fournir des bouts de papier et du gel hydroalcoolique à son personnel médical qu'il envoie au casse-pipe en le félicitant et en le brossant dans le sens du poil après l'avoir méprisé pendant 11 mois de grève criant le manques de moyens et l'asphyxie. 
On n'est pas loin de faire la même chose que les ukrainiens envoyant leurs héros quasiment à poil étouffer le cœur du réacteur fondu de Tchernobyl. 
Quelle leçon ! Quelle leçon magistrale devrait-on en tirer ! Un changement radical. 
Les mots de Macron le 12 puis le 16 mars dernier ne sont encore que des mots. Deviendront-ils autre chose ou tomberont-ils dans les poubelles à promesses, comme celle de Sarkozy de mettre fin aux systèmes financiers ayant mené à la crise de 2008, de mettre fin aux paradis fiscaux, de séparer banques de dépôts et banques d'affaire pour pouvoir, le cas échéant, sauver les premières et laisser se démerder les autres... 
Macron devenu Mélenchon... Macrélenchon... 
Le 12 mars « Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons,interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. » 
 
le 16 mars
 : « Beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. Ne nous laissons pas impressionner. Agissons avec force mais retenons cela : le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant. Nous serons plus forts moralement, nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer toutes les conséquences, toutes les conséquences ». 
 
J'ose espérer que nous en tirerons les enseignements dont il parle. J'espère que tous, nous en seront garants en exigeant que les actes se lient aux paroles. 
Lorsque j'ai entendu ces mots dans la bouche de Macron, je me suis cogné la tête, demandé si je rêvais ou si j'avais bien entendu ; raison pour laquelle j'ai recherché le texte précis des deux discours. 
Même naïf, je veux encore croire en une inversion des convictions de ceux qui nous ont mené où nous sommes. 
La raison. Enfin. Finies les agressions et les luttes stupides. L'humain au centre. Sauver, nourrir, accueillir (nous, l'autre), donner du bien-être, comme mission seule et unique d'un gouvernement qui gouverne. Le CNR de retour dans les principes et les idées ! 
Dans cette crise, c'est une chance extraordinaire qui s'offre à nous. 
A l'image de chaque épreuve individuelle, nous avons face à nous une épreuve collective vis à vis de laquelle nous pouvons tendre le dos et attendre que ça passe. Ça passera. Des victimes, nombreuses. Mais ça passera et tout recommencer comme avant, continuer comme si de rien n'était. 
Mais surtout nous pouvons en utiliser la puissance pour en faire un électrochoc, celui que l'on attendait depuis si longtemps et remettre sur le métier tout ce qui a été soigneusement détruit et détricoté. Changer nos priorités avec un seul mot d'ordre : l'humain.  
Encore une fois, si nous ne comprenons pas cela, la prochaine _ et il y aura une prochaine _ sera bien plus violente et radicale. 
La terre n'a pas besoin de nous. La nature n'a pas besoin de nous. Nous sommes en la nature. Nous en sommes et comme le dos d'un chien, si nous continuons à nous comporter parasites, la terre se secouera jusqu'à nous expulser définitivement. 
Cette crise est terrible. Cette crise fait peur. Confinés dans nos maisons et nos appartements depuis 4 jours maintenant mais cette crise est une chance unique et une occasion de nous réjouir de l’avènement possible d'un vrai monde nouveau.
© Eric Benoit